La programmation Satellite du Jeu de Paume, dédiée à la création contemporaine, est confiée chaque année à un commissaire différent. Conçus en étroite collaboration avec les artistes, les ouvrages édités à l’occasion des expositions deviennent le terrain d’expérimentations. Nika Autor est la première artiste invitée par la commissaire Nataša Petrešin-Bachelez dans le cadre de la septième édition de cette programmation.

Histoires d’empathie
Est-il arrivé que l’état émotionnel que vous perceviez chez quelqu’un provoque en vous un sentiment identique? Quand vous racontez une expérience vécue, vous en tenez-vous aux faits ou décrivez-vous aussi les émotions que vous avez ressenties? Qu’éprouvez-vous face à une personne en détresse?
Ces questions sont caractéristiques des tests psychologiques destinés à mesurer l’empathie qui, au cours de la dernière décennie, s’est progressivement imposée comme une idée phare permettant de considérer le sentiment comme un savoir, une fenêtre ouverte sur l’expérience de l’autre. L’intérêt actuel que portent les sciences sociales, le féminisme et l’art contemporain à ce concept s’inscrit au sein de deux «tournants», dits réflexif et affectif. Le tournant réflexif a conduit les chercheurs/euses à divulguer de manière systématique et rigoureuse leur méthodologie et leur point de vue subjectif en les présentant comme des instruments de production de données. Dans son prolongement, le tournant affectif invoque la capacité du corps à produire et à recevoir des affects.
«Histoires d’empathie» rend compte de la spécificité de la démarche artistique réflexive de quatre artistes et de leur investissement dans des rôles de chercheuses et de militantes. En recourant au style conversationnel – mélange de récits d’expériences vécues et de témoignages à la première personne – ou en usant de techniques non verbales propres à susciter l’émotion chez l’autre, elles amènent les spectateurs/trices non seulement à comprendre, mais aussi à ressentir le contexte matériel et culturel de l’œuvre. Nika Autor associe son expérience personnelle au récit des événements du lieu d’où elle vient pour créer une subversion de l’histoire officielle. Natascha Sadr Haghighian interroge le principe d’empathie en tant que capacité humaine à produire et à percevoir des ressemblances. À partir de l’histoire orale de la culture de ses ancêtres, Kapwani Kiwanga souligne la nécessité d’une incarnation de la mémoire et du témoignage. Eszter Salamon s’approprie la biographie de son homonyme à travers une œuvre performative s’activant au contact du public.